Itvan K., l’artiste qui peignait les violences policières.

L’Assemblée nationale a voté en première lecture le vendredi 20 novembre la mesure la plus controversée de la proposition de loi « sécurité globale » pénalisant la diffusion malveillante de l’image des forces de l’ordre, avec les garanties du gouvernement en faveur du « droit d’informer ».

La loi de « sécurité globale » qui instaure une kyrielle de mesures sécuritaires suscite un vif débat. Parmi l’ensemble des mesures, l’article 24, désormais fameux, malgré quelques accommodements de dernière minute pour calmer les angoisses de quelques députés « marcheurs », inquiète les journalistes et les défenseurs des libertés.

C’est une réponse de l’exécutif à une demande du principal syndicat Alliance Police nationale. Le 13 juin 2016 à Magnanville un couple de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur a été assassiné à l’arme blanche par Larossi Abdalla, un islamiste radical se réclamant de l’Etat islamique. L’enquête a montré que le jihadiste connaissait l’identité professionnelle des victimes.

Les observateurs sont unanimes pour dénoncer la manœuvre de l’exécutif. Le drame de Magnanville est un prétexte pour contrôler la diffusion d’images montrant la violence policière sur les médias et les réseaux sociaux.

L’article pénalise d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention, lorsque celle-ci a pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique ».

La loi de « sécurité globale » qui instaure une kyrielle de mesures sécuritaires suscite un vif débat. Parmi l’ensemble des mesures, l’article 24, désormais fameux, malgré quelques accommodements de dernière minute pour calmer les angoisses de quelques députés « marcheurs », inquiète les journalistes et les défenseurs des libertés.

C’est une réponse de l’exécutif à une demande du principal syndicat Alliance Police nationale. Le 13 juin 2016 à Magnanville un couple de fonctionnaires du ministère de l’Intérieur a été assassiné à l’arme blanche par Larossi Abdalla, un islamiste radical se réclamant de l’Etat islamique. L’enquête a montré que le jihadiste connaissait l’identité professionnelle des victimes.

Les observateurs sont unanimes pour dénoncer la manœuvre de l’exécutif. Le drame de Magnanville est un prétexte pour contrôler la diffusion d’images montrant la violence policière sur les médias et les réseaux sociaux.

L’article pénalise d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la diffusion de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme en intervention, lorsque celle-ci a pour but de porter « atteinte à son intégrité physique ou psychique ».

Les street artistes se sont fait l’écho des violences policières et particulièrement depuis le vote de la loi travail en 2016. Aux attaques des exécutifs des droits acquis, des projets de réforme de la fonction publique, de la réforme des retraites, de celle de l’assurance-maladie, au développement de profondes inégalités sociales ont répondu de larges manifestations populaires marquées par de multiples violences policières.

Itvan K. a traduit par le dessin la répression dans les banlieues et l’incroyable répression des forces de l’ordre. Pour donner à son message toute sa force, il s’est imposé la contrainte formelle d’une peinture noire sur fond blanc. Pour peindre, il tenait de la main droite une bombe aérosol et de l’autre une photocopie d’une image publiée dans la presse. Aussi, les scènes qu’il a représentées ne sont-elles pas des œuvres d’imagination mais une reproduction fidèle d’une réalité prise sur le vif. Son projet étant de rendre compte des excès commis par la police et la gendarmerie dans le maintien de l’ordre, Itvan K. a privilégié les actes violents qu’il situe au premier plan de ses larges compositions, n’accordant au décor que peu d’intérêt. Ce choix explique une composition particulière qui place au premier plan les protagonistes, se focalise sur la violence policière, sans trop s’attacher à l’étagement des plans et au décor urbain.

 La peinture d’Itvan K. exécutée en duo avec Lask ou dans le cadre plus large du collectif Black Lines, est avant tout, une expression politique. Elle montre la violence policière pour la dénoncer.

De 2016 à aujourd’hui, Itvan K. a peint de nombreuses fresques consacrées à la violence des forces de l’ordre, à Paris, à Nantes, à Saint-Denis etc. Ces œuvres mises bout à bout constituent une mise en récit des exactions commises par la police et la gendarmerie. Le regardeur reconnaitra de nombreuses scènes de ces violences, scènes vues à la télévision et sur les réseaux sociaux. Itvan K. , dans cette série de grandes fresques , n’inventent rien :  il reproduit des images. Seules quelques fresques récentes (je pense en particulier à la très remarquable fresque de la rue Noguères dans le 19ème arrondissement de Paris), intègrent à des scènes d’actualité l’esthétique des tableaux classiques de bataille (il est vrai qu’Itvan est diplômé des Beaux-arts). Ce sont des exceptions qui confirment la règle.

Dans sa relation en images de la violence de la répression policière, Itvan K. apporte beaucoup de soin à peindre les « armures » des policiers, leurs boucliers, leurs armes (bombes lacrymogènes, matraques, LBD, grenades de désencerclement, véhicules blindés etc.) Il les oppose aux manifestants, des jeunes gens, sans armes si ce n’est des cocktails Molotov, l’arme de ceux qui n’en ont pas. Les affrontements ne mettent pas en présence des forces égales. Ils n’ont pas la prétendue noblesse des combats antiques. Des guerriers sans visage, sans identité, écrasent une jacquerie de culs-terreux, pour sauver le régime en place.

Les fresques dédiées à la monstration de la violence policière sont des réactions à l’actualité de la répression. Itvan K. n’a jamais eu le projet de composer sur le modèle de la tapisserie de Bayeux le récit de la violence d’une politique. Il n’en demeure pas moins que son travail documente et illustre un des aspects fondamentaux de notre société, un pouvoir qui se maintient grâce à la répression de sa police. Il est aisé de comprendre dans ces conditions que ce pouvoir doit donner des gages à sa police, mettre sous l’éteignoir ses agissements coupables, lui assurer une quasi impunité.

Itvan K. a le trait rageur de l’homme en colère. Il regarde une photo et sans hésitation, il peint des traits noirs, sans jamais les corriger. Son œuvre graphique par sa sobriété voire son dépouillement exprime une colère rentrée qui trouve ainsi un exutoire. L’artiste se libère et, dans le même temps, veut partager sa colère. Les syndicats de police, la préfecture de police de Paris ont compris la force de ses fresques. C’est la raison pour laquelle, elles ont demandé et obtenu leur censure.

Itvan K. est un exemple parmi d’autres de ces artistes qui sont descendus dans l’arène politique pour nommer les choses et nous les montrer crûment. Les politiques qui nous gouvernent se refusent encore à parler de « violences policières » au motif que la violence des forces de l’ordre est légitime dans un état de droit. Itvan K. est un témoin de son temps qui a mis son talent de dessinateur au service des luttes populaires bravant les interdits pour nous montrer la vérité en face. Et cette vérité, comme le regard de Méduse, nous glace d’effroi.


Ratur, tempus fugit.

Je le confesse sans ambages, j’aime les œuvres qui ne se livrent pas au premier regard. J’aime les œuvres qui résistent, celles qui vous obligent à faire un bout de chemin avec leur auteur pour découvrir leur signification. Découvrir non ce qu’elles cachent, mais ce qu’elles montrent.

La fresque qu’a peinte Ratur très récemment au MUR Oberkampf est de cette eau. C’est un immense portrait de femme. Il occupe le centre du panneau. Il représente une partie du visage d’une jeune et jolie femme vue de trois quarts avant. L’artiste s’est focalisé sur les traits, faisant l’impasse sur le haut de la tête, la base du cou et le haut des épaules. Ce visage exprime une douce sérénité alors que des parties de son apparence se délitent et fuient hors du cadre révélant ce que dissimule la peau, le vide. Un portrait certes mais très atypique. La désagrégation de la peau est dynamique ; le regardeur en suit les différentes étapes. Certains morceaux semblent se décoller de manière quelque peu anarchique et, progressivement, prennent forme. Ils deviennent des feuilles. C’est donc l’image d’une métamorphose

Rendre compte d’une scène dynamique par une image statique est en soi une gageure. Ce sont les limites extérieures du visage qui se détachent en premier. Seule une partie du visage échappe à la mutation. Restent l’œil gauche, le nez et la bouche et le menton. Le décollement de la peau est figuré par des séquences organisées selon un ordre chronologique : l’œil droit, le sourcil et la pommette sont en train de se dissocier du reste du visage. D’autres parties, par un processus lent, acquièrent une forme nouvelle : celles d’une feuille.  Le regardeur comprend qu’il assiste à un moment d’un changement d’état, le visage bientôt disparaitra. Elle aura donné naissance à des feuilles.

Regardons l’œuvre de plus près. Imaginons le visage avant sa désintégration. Le portrait (mis à part le cadrage) serait classique. La pose de ¾ avant, le regard du modèle décentré, le chromatisme des carnations, le rendu du volume, autant d’emprunts aux codes du portrait. Le portrait « classique » est traversé par une autre approche, celle de l’hyperréalisme.

Ce portrait fait écho à des souvenirs anciens. Je me souviens de ma visite du théâtre-musée Dali à Figueras. Dali, de son vivant, a construit son tombeau et son ordonnancement. Ses croquis de jeunesse et ses premières toiles sont d’une grande beauté. Ces œuvres revendiquent haut et fort leur classicisme. Dali tout au long de sa carrière ne s’en départira pas mais l’intégrera dans une vision fantasmée du monde. Dali met au service de son imaginaire les codes du plus achevé des classicismes.

Ratur n’est pas Dali certes, mais les démarches artistiques sont cousines sinon sœurs bien que je ne suis pas sans savoir que comparaison n’est pas raison. Nonobstant cette prudente remarque, je pense que Ratur inscrit son travail dans le courant du surréalisme, en renouvelant ses thèmes.

Habile transition pour mettre en regard une fresque antérieure de Ratur peinte à Rouen qui décline le même concept. C’est aussi un portrait de femme, de profil celui-là et la partie postérieure de son visage est un bouquet de feuilles. L’observateur verra que des fissures commencent à déconstruire ce beau visage. Le portrait qui est l’objet de mon billet raconte la même histoire. Mais, la métamorphose est bien mieux rendue. En ce sens, le second portrait est plus abouti.

Quant à l’interprétation je pense que cette œuvre peinte en novembre, mois sombre et froid marqué par les fêtes chrétiennes des Cendres et de la Toussaint est une vanité, un memento mori.[1]

Le retour à la terre serait figuré par la décomposition organique du corps et sa transformation en simples feuilles d’arbres qui, à l’automne, meurent et tombent sur le sol dans l’éclat de leurs couleurs. Dans le même temps, derrière les apparences, fussent-elles splendides, comme l’est le visage d’une jolie femme, il n’y a que le vide. On pense à Pascal et à la misère de l’homme sans Dieu.

La Beauté au sens littéral « éclate » et ouvre la porte de sombres ténèbres. Comme le bouquet d’un feu d’artifice qui illumine le ciel un instant, dévoré par la nuit.


[1] « Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris », « Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu redeviendras poussière ». Cette phrase traduit un passage du Livre de la Genèse (Gn 3,19) après la chute d’Adam.