Héol. Le panthéon des humbles.

Un lundi après-midi de février, il faisait froid, le ciel était plombé par des nuages gris d’acier, au crachin succédaient des averses. Un temps d’hiver ordinaire à Paris. J’avais décidé d’aller prendre des photos de la fresque Black lines peinte le dimanche sur le spot de la rue de La Fontaine au Roi à Belleville. Je tenais en particulier à prendre des clichés des œuvres d’Itvan Kebadian et d’El Veneno, deux artistes à qui j’ai déjà consacré des articles. Faut pas trainer pour prendre des photos des œuvres de street art à Paris. Soit la préfecture de police avec une extrême diligence fait recouvrir d’une belle peinture gris souris les œuvres, soit le service de la propreté de la Ville avec une diligence encore plus grande « nettoie » les œuvres, soit elles sont toyées pour des raisons diverses et variées, soit recouvertes par d’autres œuvres. Les places sont chères ! La fresque Black lines ayant été terminée le dimanche soir, le lundi après-midi, malgré ou grâce au temps pourri j’espérais prendre quelques clichés pour assurer à ces œuvres une toute relative pérennité.

Rapidement, avant une nouvelle averse, je pris plusieurs photos et découvris une magnifique fresque noir et blanc signée d’un certain Héol. Quelques dizaines de mètres plus loin, un artiste peignait le portrait d’un homme agenouillé. Un portrait en rupture complète avec les autres œuvres. Un homme à genoux était peint de couleurs fauves par un artiste qui utilisait un rouleau avec un long manche et trois pots de peinture. Un spectacle singulier qui m’invita à lier conversation.

C’est de cette manière qui doit tout au hasard des rencontres que je fis la connaissance d’Héol. Grâce aux liens qu’il m’a ensuite envoyés et à une patiente recherche sur Internet, grâce également à une correspondance que nous avons eue, j’ai découvert un artiste de talent qui s’illustre dans des champs disciplinaires fort divers et, en particulier dans la vidéo et le muralisme.

Dans cet article, après avoir dit quelques mots sur les vidéos qu’il réalise, je prendrai un exemple de réalisation pour mettre en évidence son art du portrait et l’engagement social et politique de son travail.

Un mot donc sur les vidéos d’Héol[1]. Ce sont de courtes vidéos filmées dans son atelier. En fait, ce sont plutôt des performances qui ont comme sujet la création d’une œuvre plastique. Cela ressemble à un time laps mais l’artiste va bien au-delà : il met son corps en scène, jouant avec les éléments de l’installation, les pots de peinture, la peinture elle-même. La scène (car il s’agit bien de théâtre) est rythmée par une musique choisie avec une grande circonspection.

 Après quelques images d’introduction, pour situer l’événement, Héol projette sur un haut mur noir des litres de peintures de couleurs. A l’aide d’un rouleau muni d’un long manche, à partir de ces projections, il fait naître des formes et au final des images. En somme, c’est un spectacle total. Du désordre, du hasard, lentement émerge sous les doigts du peintre-magicien un portrait éphémère. Un spectacle dans lequel se côtoient en s’interpénétrant, théâtre, musique et live painting.

A propos de ses vidéos, Héol dans un entretien récent déclare « Les vidéos sont un moyen de scénariser le processus de création, de dynamiser les images, créer du mouvement dans la peinture qui est elle-même en mouvement. Je réalise beaucoup de « splashs » sur les murs pour commencer une fresque, en vidéo, c’est sympa. Les vidéos sont pour moi importantes dans mon travail car je peins à l’énergie et souvent en milieu naturel. »

Les vidéos d’Héol sont, je le crois, un genre qu’il a inventé. L’homme aime le mouvement, l’imprévu, la spontanéité, le hasard et, dans ces courtes œuvres, il le montre avec éclat.


[1] https://www.youtube.com/watch?v=04D7RZ8VW2Q

Il en est tout autrement de son travail de muraliste. L’exemple que j’ai choisi de vous présenter est la performance qui se déroula le 4 et 5 juillet 2020 au Parc du Gué-de-Maulny dans le cadre du festival Plein Champ. Le long d’un chemin de halage, Héol a peint les portraits des ouvriers et des ouvrières sur les murs d’une ancienne manufacture de tabac. Une fresque de 500 m2 !

Dans un premier temps, le conseil de quartier lui a envoyé une vingtaine de photographies tirées d’archives ; des photographies prises à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème. Héol a retenu un cliché datant de 1919, en noir et blanc. Une trentaine d’ouvrières posent en tenue de travail, chaussées de sabots, la blouse protégée par un tablier. De ce cliché, Héol a conservé les portraits des femmes. D’autres photographies de la même époque ont complété le tableau. D’une photo d’un atelier, Héol a gardé les portraits des hommes, les roues des machines. Ces images ont été complétées elles-mêmes par les témoignages de témoins de l’activité de la manufacture. Des badauds rencontrés pendant les semaines passées à peindre les murs de l’usine désaffectée et oubliée. Les récits faits par les uns et par les autres ont enrichi la recherche informelle de l’artiste. C’est avec ce matériau, source iconographiques et témoignages, qu’Héol a conçu une œuvre qui rend hommage au travail des ouvriers et des ouvrières, rend au lieu une mémoire, réinscrit la manufacture des Tabacs dans l’histoire de la ville du Mans.

Se jouant des contraintes, les portes et les fenêtres en particulier, Héol donne à voir l’étendue de son talent de peintre. Les photographies en noir et blanc ont été « mises en couleurs ». Les couleurs qui ne sont pas réalistes magnifient les portraits et les décors. Intenses, contrastées, elles renvoient une lumière franche qui donne vie aux acteurs. Un chromatisme sans concession qui par la couleur (re)donne à la classe ouvrière sa fierté.

Héol parle de son travail avec lucidité et recul. Il dit en parlant de sa peinture : « Mon regard n’est pas intellectuel, je n’ai pas de ligne directrice sur mon travail. Je suis plutôt un peintre instinctif, intuitif, engagé, qui fonctionne à l’énergie corporelle. J’aime être dehors cela m’ancre davantage dans la réalité ; cela permet également de provoquer la rencontre avec les passants, le public, les spectateurs ».

 Il éclaire ses choix nous donnant des clés pour mieux cerner son œuvre : « J’aime les grands formats, les grands personnages. J’aime l’époque de la révolution industrielle, les travailleurs, la vie dure qui marque les visages, les mains. J’aime rendre hommage aux minorités, aux oubliés. Je travaille souvent avec des images en noir et blanc pour pouvoir poser les couleurs que je veux. Ces couleurs sont souvent vives et contrastées, entre les couleurs chaudes et froides. »

Vidéos-performances artistiques, peinture inscrite dans le champ social, Héol est tout cela et même davantage ! Je sais l’authenticité de sa démarche et je lui sais gré de rendre visibles les « gens de peu ». Son projet est d’une grande intelligence : une immersion complète dans un milieu et une histoire locale, une recherche iconographique complétée des témoignages des témoins, la création d’une œuvre composée, réfléchie, pensée, belle enfin, portant la voix de ceux qui ont été privés de parole.

Le lundi de notre rencontre, le ciel pesait comme un couvercle. De fines gouttes de pluie filtraient une pauvre lumière et, dans ce décor digne du premier cercle de l’Enfer de Dante, j’ai croisé Héol. Héol, en grec, la demeure du vent. En breton, le soleil. Sa peinture éclatante m’a apporté du réconfort, entre pluie, vent et soleil. L’art est une consolation.


Dawal. De l’importance du contexte.

Le samedi 12 mars et le dimanche 13, Dawal « a fait le mur » Oberkampf. Sa fresque, haute en couleurs, surprend par sa fantaisie. Dans un curieux paysage d’où le soleil tire sur ses petits bras pour sortir de l’horizon, coule une rivière perchée sur un aqueduc ferroviaire, des marches conduisent par degrés à un temple grec, un crayon sort de terre, un tank porté à bout de bras porte un étrange personnage confortablement assis dans un fauteuil, bercé par la musique dissonante d’un joueur de pipeau. De l’autre côté du fleuve, une télévision d’un genre particulier projette un rayon, un missile planté dans le sol affublé d’un tutu, un homme à tête de clé s’enfuit, une longue file d’individus se dirige vers nulle part, un pied repose sur des livres empilés.

Un tableau qui évoque « Le jardin des délices » de Jérôme Bosch, voire le petit monde des tableaux de Brueghel l’Ancien. En tout état de cause, une œuvre de fantaisie. Mais la fantaisie prend racine dans le présent de la création de l’œuvre et la connaissance du contexte est nécessaire pour que le « regardeur » puisse construire une signification.

Or, le contexte du 12 et 13 mars 2022 a été dominé par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le journal « Le Monde » dans son édition spéciale du vendredi 11 mars titrait : « Ukraine : des pourparlers sous la pression des bombes. A Lviv, lors de funérailles poignantes, civils et militaires rendent hommage aux soldats morts au front. L’hésitation à fournir des avions de chasse à l’Ukraine illustre l’équilibrisme des Occidentaux entre soutien et neutralité. » Photographiant la fresque le lundi 24 mars, j’ai cru reconnaître un char d’assaut et le long cortège d’hommes identiques, sans réelle identité, m’a évoqué de sombres images de soldats défilant au pas. C’est à partir de ces deux indices que j’ai émis l’hypothèse d’une relation entre le contexte de la guerre en Ukraine et la fantaisie assumée de la fresque de Dawal.

Restait à vérifier l’hypothèse bien audacieuse au demeurant. L’idée m’est alors venue d’interroger l’artiste sur son œuvre. Je lui ai posé deux questions : « Je vois dans ta fresque une allégorie de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, est-ce une interprétation personnelle ou ma lecture rejoint-elle la sens que tu voulais lui donner ? Pourquoi le choix de cette forme qui oscille entre Brueghel l’Ancien et les cartoons ? » Dawal m’a répondu et c’est cette réponse que je veux vous présenter aujourd’hui in extenso. Il y a à cela deux raisons : la première est qu’il est intéressant de mettre en relation les mots mêmes d’un artiste et son œuvre. La seconde raison repose sur la nature de l’œuvre. Le commentaire que fait un artiste de son œuvre a un intérêt certain. Par contre, quelle valeur peut bien avoir le discours d’un « critique » sur une œuvre qui exalte la créativité et l’imaginaire ? A la limite, tous les discours sont légitimes.

Aussi, ai-je résolu de me taire, de garder mes hypothèses pour moi, de construire à partir des images qui peuplent le musée de mon imaginaire, des significations d’une œuvre ouverte et inépuisable.

« Pour revenir à ma fresque et répondre à tes questions : le style cartoon est mon style de dessin depuis un moment. Mes références sont issues de la culture populaire : la bande dessinée, les films, les expos, etc. Donc, j’ai construit mon style par ce biais. Je suis autodidacte ; je n’ai pas fait d’études d’art. Ensuite, pour revenir sur les différentes symboliques de la fresque, on a, en effet, un lien fort avec l’actualité même si je n’ai pas spécifiquement choisi de faire une fresque politisée. Les idées sont arrivées dans mon esprit et se sont inspirées inconsciemment de l’actualité. La télévision avec un œil représente l’instrumentalisation des médias qui fait croire à la paix (le petit drapeau dans la main) mais avec une attitude belliqueuse (cf. le rayon qu’elle envoie). Les personnes qui portent le tank représentent le peuple, peuple qui se fait aspirer dans un gouffre, tout en portant et supportant les ambitions d’un chef (en l’occurrence, sa tête est une liasse de billet pour dire que c’est l’argent qui décide de tout). Le missile planté dans le sol a un tutu, ceci est un clin d’œil à l’actualité (missile russe) avec une touche d’humour, parce qu’il faut bien faire sourire malgré le message qui est porté. Le pied est également une touche d’humour. Après on peut formuler différentes interprétations (on s’appuie sur la culture et l’éducation pour gouverner un peuple, on peut tout aussi bien l’écraser). Le joueur de pipeau peut s’apparenter à un politicien. La foule tente de fuir les bombes et d’attraper le train qui est en route. »


Ukraine : peace and love.

Vendredi 11 mars, 14ème jour de guerre en Ukraine. L’armée russe progresse sur tous les fronts. Les infrastructures ukrainiennes sont bombardées, routes, ponts, centrales électriques ainsi que les immeubles d’habitation, les hôpitaux, les maternités, les écoles. Plus de 2,5 millions de déplacés. Les hommes de 18 à 60 ans sont mobilisés. Les forces militaires de l’Otan renforcent leur présence dans les pays voisins. L’Europe a peur. Le monde a les yeux fixés sur le conflit. Poutine et ses affidés déroulent leur stratégie expérimentée en Tchétchénie, en Géorgie, en Syrie : encercler les villes, bombarder pour provoquer la terreur et faire fuir les civils, attaquer des poches de résistance. Poutine et les ultranationalistes de son premier cercle veulent laisser leurs noms dans l’Histoire russe comme les héros qui auront l’empire après le désastre de l’effondrement de l’U.R.S.S.

L’invasion russe a provoqué des réactions dans le monde entier. Les états ripostent à l’invasion en tentant d’étrangler l’économie russe et en armant la résistance ukrainienne. Les street artistes participent de cette riposte. Fresques, pochoirs, affiches sont leurs armes. D’aucuns penseront qu’elles sont dérisoires ! Elles témoignent en tout état de cause des émotions ressenties par les jeunes artistes.

Dans mon article précédent, m’appuyant sur de nombreux exemples, j’ai tenté de montrer que le drapeau ukrainien est devenu le symbole de soutien au peuple agressé et ses couleurs, le bleu et le jaune, sont aujourd’hui celles de la résistance. Le présent billet poursuit la réflexion sur les symboles perçus par les artistes comme des soutiens au peuple martyr.

Il n’est guère étonnant de retrouver dans les œuvres des street artistes des symboles de la paix. Ils sont nombreux et sont dans une très large mesure universels. La colombe, l’olivier et son rameau, le drapeau blanc, la croix  rouge, le drapeau arc-en-ciel, le drapeau olympique aux 5 anneaux, la grue en origami, le calumet, le coquelicot blanc, le fusil brisé sont quelques-uns de ces symboles.

Plusieurs symboles méritent un commentaire, j’y reviendrai dans de prochains articles. Un de ces symboles a retenu mon attention : il s’agit du symbole des opposants à l’utilisation des armes nucléaires (☮). La première raison est sa forte occurrence. Il semble qu’il soit compris dans de nombreuses sociétés occidentales non comme le symbole du combat contre le nucléaire militaire mais comme le symbole de la paix.

Il apparait parfois seul et souvent combiné à d’autres symboles plus anciens voire datant de l’antiquité (colombe, rameau d’olivier). « Le symbole de la paix « » est en fait, lors de sa création, l’emblème des opposants à l’armement nucléaire. Il est créé le 21 février 1958 par Gerald Holtom, un artiste membre de la Campaign for Nuclear Disarmament (Campagne pour le désarmement nucléaire) britannique (CND), à la demande de Bertrand Russell, organisateur et chef du mouvement. Il est actuellement toujours identifié comme tel en Grande-Bretagne mais, partout ailleurs sur la planète, il est l’emblème de la paix, de la non-violence et du pacifisme. Son concepteur s’est basé sur le code sémaphore britannique pour créer ce symbole, où les deux branches qui pointent à gauche et à droite signifient « N » et la barre centrale « D », pour « Nuclear Disarmament » »[1].

Je pense que le passage de « lutte contre l’arme atomique » au symbole de la paix est lié à l’influence de la culture américaine. En effet, des drapeaux, des banderoles mais aussi un nombre invraisemblable de « produits dérivés » (boucles de ceinture, bijoux, pochettes de disques etc.) sont apparus lors des manifestations et associés à la culture « peace and love » dans les années 60. De nos jours, l’origine du symbole s’est perdue et sa signification étendue à la paix. Notons que c’est également le cas pour d’autres symboles (le rameau d’olivier[2] ou la colombe[3]).


[1] In Wikipédia

[2] La branche d’olivier était aussi l’un des attributs de la déesse grecque Eirènè (« Paix ») et son équivalente romaine Pax.

[3] Dans l’épisode biblique du Déluge, la colombe revient sagement vers l’Arche de Noé apportant dans son bec un rameau d’olivier, message divin selon lequel les eaux se sont retirées et que le calme est revenu sur Terre. De là, la colombe est devenue symbole de paix et d’espérance.

Afficher le symbole de la paix est bien davantage une réaction émotionnelle qu’une revendication politique. La « demande de paix » est certainement perçue comme la fin des combats et le retour à la situation antérieure. Or le fait que personne ne veut la guerre, le cessez-le-feu et la résolution du conflit (problème des frontières, entrée de l’Ukraine dans l’U.E., entrée dans l’O.T.A.N., reconstruction de l’Ukraine, réparations financières, comparution des criminels de guerre devant le tribunal international etc.) sont des problématiques d’une extrême complexité qu’il faudra certes affronter tout en sachant qu’il y aura une situation internationale avant l’invasion et une situation internationale après l’invasion. Les équilibres hérités de la fin de la seconde guerre mondiale en seront modifiés.

A la réflexion, je me demande si les jeunes street artistes sont aussi éloignés que cela de la culture hippie. En effet, dans le même mouvement, souvent associés aux symboles de la paix, nous trouvons des milliers de cœurs symbolisant l’amour. Une demande de paix et une résolution du conflit par l’amour réciproque. Rien à voir avec la religion. Une version revue et corrigée des idéaux libertaires. Ce n’est pas moi qui reprocherais aux jeunes d’être utopistes et de croire que l’amour de l’autre suffit à créer un monde meilleur !

Outre l’intérêt de constater que les symboles ont une histoire, que leur signification varie avec le temps et les sociétés, les symboles peints sur les murs de nos villes disent en creux le désespoir des jeunes adultes confrontés comme nous le sommes à l’impensable et qui, dans cette horreur, ne peuvent pour se protéger qu’élaborer des solutions qui relèvent de l’utopie. La violence de la guerre, la mort des innocents sont au sens littéral impensable. C’est la raison pour laquelle, les jeunes et parmi eux les jeunes street artistes, recourent à une symbolique réparatrice.


Ukraine, les couleurs de la liberté.

L’invasion par la Russie de l’Ukraine a sidéré le monde. Tous les états ont été amenés à prendre position par rapport à la guerre menée par la Russie. Certains, ils sont peu nombreux, soutiennent la Russie de Poutine, d’autres affichent leur soutien au régime du président Volodymyr Zelensky, d’autres comme la Chine « regrettent » l’invasion.

Vus de France, les réseaux sociaux n’illustrent qu’incomplètement le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Seules sont diffusées les marques de soutien au gouvernement légal. En examinant des milliers d’images depuis le début de l’invasion, je n’ai trouvé aucune image, aucun texte soutenant la décision du président de la fédération de Russie. A croire que personne en occident et ailleurs ne soutient Poutine ! A moins que ce soit les réseaux sociaux étasuniens qui censurent d’éventuels messages de soutien à l’armée russe. A moins que les états qui soutiennent l’Ukraine ne soient intervenus auprès des susmentionnés réseaux sociaux pour filtrer les messages ! Bref, le matériau dont je dispose étant celui véhiculé par Instagram et Facebook, je ferai ce qu’il est possible de faire : rendre compte par l’analyse des images et des œuvres de street art du conflit en Ukraine.

Mon premier épisode sera consacré au drapeau ukrainien.

Jamais je n’avais saisi avec autant de force l’importance d’un drapeau dans l’identité d’un peuple. Le drapeau de l’Ukraine rassemble des peuples différents occupant l’actuel territoire de l’Ukraine mais tous, sauf les républiques séparatistes du Donbass et de Lougansk, se reconnaissent dans le symbole de leur drapeau jaune et bleu.

 Ce drapeau bicolore a une histoire. Il apparait lors du Printemps des peuples de 1848 puis en 1917 lors de la proclamation de la République Populaire Ukrainienne. La bande jaune se trouve alors au-dessus de la bande bleue. Le drapeau ukrainien tel que nous le connaissons aujourd’hui, la bande bleue au-dessus de la bande jaune, est adopté en 1991 lors de l’indépendance du pays et le symbole est réactivé en 2004 par la création d’une fête du drapeau le 23 juillet, la veille de la fête nationale ukrainienne.

 Les Ukrainiens donnent à leur drapeau une signification symbolique : il représente les champs de blé de l’Ukraine et le ciel. C’est une allusion à l’Ukraine, « grenier à blé » de l’Europe, et une image qui évoque la paix et la sérénité.

Les couleurs du drapeau, dans le conflit, symbolisent l’Ukraine libre, une Ukraine qui, après la dissolution de l’U.R.S.S. en 1991, la révolution orange de 2004 et celle de Maïdan en 2014, se tourne vers l’occident. La première réponse des états soutenant l’Ukraine a été de projeter ces deux couleurs sur les murs de leurs institutions nationales, sur ceux de leurs sites les plus remarquables, sur les immeubles les plus hauts de leurs villes. Au-delà de la géométrie du drapeau ukrainien, ce sont les couleurs bleue et jaune qui portent un message de soutien au peuple ukrainien.  

Le dessin du drapeau est repris fréquemment dans l’ensemble des images de soutien et, de manière plus abstraite, dans d’autres plus récentes, ne sont gardées que les bandes jaune et bleue. La forme du drapeau, le symbole national, s’est dissoute dans de nombreux exemples. Les bandes jaune et bleue ne conservent que la couleur, excluant les contours et oubliant le dessin initial du drapeau. A l’heure où j’écris, le vendredi 4 mars, le jaune et le bleu se sont comme échappés des bandes du drapeau. Tout est coloré des couleurs de l’Ukraine, les portraits, les graffs, les photographies, sur tous les continents. En France, de petits rubans jaunes et bleus commencent à fleurir aux boutonnières des hommes et des femmes candidats à l’élection présidentielle, histoire de se démarquer de ceux qui, avant l’invasion de l’Ukraine, trouvaient en Poutine un modèle. Une façon de montrer à l’objectif photo et à la caméra qu’on est dans le bon camp. Lors de la réunion du Conseil de l’Europe à Strasbourg le 2 mars des parlementaires étaient habillés de jaune et de bleu.

Le jaune et le bleu du drapeau, couleurs héritées de l’héraldique nobiliaire slave, sont devenues en une semaine de guerre les couleurs de l’émancipation d’un pays, de la revendication d’un peuple à la liberté, du courage de David contre Goliath. Après l’orange de la Révolution de 2004, le bleu et le jaune représentent à elles seules la volonté farouche d’un peuple qui a choisi son camp, celui qu’on nommait pendant la Guerre froide, celui du « « monde libre ».


Ukraine, les couleurs de la liberté.

L’invasion par la Russie de l’Ukraine a sidéré le monde. Tous les états ont été amenés à prendre position par rapport à la guerre menée par la Russie. Certains, ils sont peu nombreux, soutiennent la Russie de Poutine, d’autres affichent leur soutien au régime du président Volodymyr Zelensky, d’autres comme la Chine « regrettent » l’invasion.

Vus de France, les réseaux sociaux n’illustrent qu’incomplètement le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Seules sont diffusées les marques de soutien au gouvernement légal. En examinant des milliers d’images depuis le début de l’invasion, je n’ai trouvé aucune image, aucun texte soutenant la décision du président de la fédération de Russie. A croire que personne en occident et ailleurs ne soutient Poutine ! A moins que ce soit les réseaux sociaux étasuniens qui censurent d’éventuels messages de soutien à l’armée russe. A moins que les états qui soutiennent l’Ukraine ne soient intervenus auprès des susmentionnés réseaux sociaux pour filtrer les messages ! Bref, le matériau dont je dispose étant celui véhiculé par Instagram et Facebook, je ferai ce qu’il est possible de faire : rendre compte par l’analyse des images et des œuvres de street art du conflit en Ukraine.

Mon premier épisode sera consacré au drapeau ukrainien.

Jamais je n’avais saisi avec autant de force l’importance d’un drapeau dans l’identité d’un peuple. Le drapeau de l’Ukraine rassemble des peuples différents occupant l’actuel territoire de l’Ukraine mais tous, sauf les républiques séparatistes du Donbass et de Lougansk, se reconnaissent dans le symbole de leur drapeau jaune et bleu.

 Ce drapeau bicolore a une histoire. Il apparait lors du Printemps des peuples de 1848 puis en 1917 lors de la proclamation de la République Populaire Ukrainienne. La bande jaune se trouve alors au-dessus de la bande bleue. Le drapeau ukrainien tel que nous le connaissons aujourd’hui, la bande bleue au-dessus de la bande jaune, est adopté en 1991 lors de l’indépendance du pays et le symbole est réactivé en 2004 par la création d’une fête du drapeau le 23 juillet, la veille de la fête nationale ukrainienne.

 Les Ukrainiens donnent à leur drapeau une signification symbolique : il représente les champs de blé de l’Ukraine et le ciel. C’est une allusion à l’Ukraine, « grenier à blé » de l’Europe, et une image qui évoque la paix et la sérénité.

Les couleurs du drapeau, dans le conflit, symbolisent l’Ukraine libre, une Ukraine qui, après la dissolution de l’U.R.S.S. en 1991, la révolution orange de 2004 et celle de Maïdan en 2014, se tourne vers l’occident. La première réponse des états soutenant l’Ukraine a été de projeter ces deux couleurs sur les murs de leurs institutions nationales, sur ceux de leurs sites les plus remarquables, sur les immeubles les plus hauts de leurs villes. Au-delà de la géométrie du drapeau ukrainien, ce sont les couleurs bleue et jaune qui portent un message de soutien au peuple ukrainien.  

Le dessin du drapeau est repris fréquemment dans l’ensemble des images de soutien et, de manière plus abstraite, dans d’autres plus récentes, ne sont gardées que les bandes jaune et bleue. La forme du drapeau, le symbole national, s’est dissoute dans de nombreux exemples. Les bandes jaune et bleue ne conservent que la couleur, excluant les contours et oubliant le dessin initial du drapeau. A l’heure où j’écris, le vendredi 4 mars, le jaune et le bleu se sont comme échappés des bandes du drapeau. Tout est coloré des couleurs de l’Ukraine, les portraits, les graffs, les photographies, sur tous les continents. En France, de petits rubans jaunes et bleus commencent à fleurir aux boutonnières des hommes et des femmes candidats à l’élection présidentielle, histoire de se démarquer de ceux qui, avant l’invasion de l’Ukraine, trouvaient en Poutine un modèle. Une façon de montrer à l’objectif photo et à la caméra qu’on est dans le bon camp. Lors de la réunion du Conseil de l’Europe à Strasbourg le 2 mars des parlementaires étaient habillés de jaune et de bleu.

Le jaune et le bleu du drapeau, couleurs héritées de l’héraldique nobiliaire slave, sont devenues en une semaine de guerre les couleurs de l’émancipation d’un pays, de la revendication d’un peuple à la liberté, du courage de David contre Goliath. Après l’orange de la Révolution de 2004, le bleu et le jaune représentent à elles seules la volonté farouche d’un peuple qui a choisi son camp, celui qu’on nommait pendant la Guerre froide, celui du « « monde libre ».

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