La Vierge à l’enfant et ses images.

Une réflexion sur les thèmes du street art est simple si l’on se contente du grosso modo et de ses synonymes[1]. Bref, dans une démarche qui privilégierait le grossier au subtil et le global par rapport à l’étude singulière, nous remarquons d’emblée des différences par rapport à la peinture de chevalet. Si les portraits dominent, rares sont les paysages. Les natures mortes sont essentiellement présentes sous la forme de vanités. Les scènes de genre n’ont guère d’équivalent. Par contre, et ceci est étroitement lié au caractère provisoire du street art, les murs de nos villes sont des chambres d’écho des événements d’actualité.

Une relative permanence de genre donc, mais une traduction dans une grammaire plastique différente. Une réactivité à l’événement qui est une marque de cet art nouveau.[2]

J’avais à l’esprit ces catégories quand, lors d’une promenade, j’ai vu un pochoir représentant une Madone, c’est-à-dire, une représentation d’une Vierge à l’enfant. J’ai été surpris de trouver sur un mur une « image pieuse », un exemple, modeste il est vrai, d’une peinture qu’il faut bien qualifier de religieuse.


[1] Approximativement, dans l’ensemble, pour l’essentiel, fragmentairement, globalement, en gros, imparfaitement, incomplètement, insuffisamment, à peu près, rudimentairement, sensiblement, sommairement, en substance, succinctement, superficiellement, vaguement.

[2] Je n’oublie pas El très de mayo de Goya et de combien d’autres œuvres mais leur exécution et leur diffusion n’ont pas le caractère de quasi instantanéité du street art.

Cette surprise devint une interrogation non sur les raisons de mon étonnement mais une invitation à clarifier l’image iconique de la Madone.

Des artistes se sont emparés de cette figure, comme ils l’ont fait pour d’autres icônes, pour en faire des pastiches dans le but avoué de s’en moquer. D’autres ont célébré, je le crois sincèrement, la Vierge et son fils Jésus. D’autres enfin, s’en sont démarqués mais s’y réfère implicitement en associant mère et enfant dans une même fresque.

Ces « murs », ces fresques, ces pochoirs ont été peints sur les murs de villes occidentales et plus précisément, les villes de pays dans lesquels le catholicisme a profondément marqué la culture. Je crois comprendre que les madones contemporaines traduisent bien davantage l’amour maternel que la naissance de Jésus. Amour considéré comme le mieux partagé et le plus universel.

Je ne discuterai pas la vérité de cette affirmation[1] mais je m’intéresserai à la construction de l’image de la Madone.

Remarquons que le sujet de la Vierge à l’enfant est le thème le plus représenté de tout l’art chrétien devant la crucifixion. Son succès s’explique par le fait que le couple mère/enfant renvoie à des thèmes archaïques fort anciens. La mère allaitant un enfant/dieu est une image des origines, une image de l’amour maternel et aussi une image de la fécondité.


[1] Cf : L’amour en plus d’Elisabeth Badinter, Le livre de poche.

C 215.

C’est dans ce riche et polysémique réseau de référents qu’à l’époque romane, entre le 12ème et le 13ème siècle, peintres et sculpteurs vont « inventer » la Vierge à l’enfant. Une Vierge, assise sur un trône, et tenant un Jésus adulte sur les genoux. Des deux personnages, Vierge et enfant Jésus, le personnage important pour les croyants de l’époque est Jésus et non sa mère dont on ne sait rien. Jésus, le Messie attendu par le peuple d’Israël, Dieu fait homme, mort et ressuscité est le fondement doctrinal du christianisme.

 Ces Vierges ont été appelées « sedes sapientiae », c’est-à-dire, siège de la Sagesse ou trône de la Sagesse. A sa création, la Madone est donc un symbole de la sagesse et non de la Nativité.

Paul, dans les Evangiles, cite le nom de Marie la désignant comme la mère de Dieu. Dès les épitres, des apories surgissent. Comment expliquer qu’une femme enfante un dieu alors que dans les religions de l’antiquité, la religion grecque et la romaine, les dieux et demi-dieux étaient conçus par des dieux.

Pour la résoudre, il fallut, bien des siècles plus tard, inventer l’existence d’un Esprit saint qui aurait « visité » une vierge (une vierge qui sera réputée « immaculée », c’est-à-dire, n’ayant pas commis le péché de chair).

Autre aporie, comment expliquer que Jésus de Nazareth soit à la fois le fils d’un dieu unique et Dieu lui-même. Les pères de l’Eglise et les conciles ne purent expliquer cette double nature du Christ. Ils conclurent que c’était un mystère.

L’art gothique, au 13ème et au 14ème siècle, privilégie la Vierge au détriment de l’enfant qui, dans la composition, prend une place de moins en moins importante. L’enfant Jésus prend la forme d’un nourrisson et le rapport de grandeur traduit la primauté de Marie.
Le baroque ira plus loin encore en supprimant l’enfant Jésus du couple pour ne garder que la Vierge. Elle symbolise alors la pureté.

L’évolution des images de la Vierge et de son enfant est une illustration de l’émergence du culte marial. La mère de Jésus est comprise comme la figure majeure de l’intercession entre la communauté des chrétiens et son fils. Marie, dont je rappelle qu’on ne sait rien, devient l’objet d’un culte, au détriment du culte rendu à Jésus.

Les historiens considèrent que le culte de Jésus était complexe[1] pour les gens du peuple et qu’ils se tournèrent vers la figure de mère de Marie, figure dont les référents sont aisés à saisir ; une figure qui n’est pas l’objet de discussions byzantines, de mystères ou de miracles.[2]  

La Madone a eu, à des époques différentes, des significations différentes ; de la sagesse, à l’image coutumière de la femme fertile qui nourrit son nourrisson et lui prodigue son amour.

Au cours des siècles, alors que la représentation de l’enfant Jésus sur les genoux de sa mère disparait de la peinture et de la sculpture, le culte de Marie s’impose et demeure de nos jours encore fort vivace.[3]

Le recul en Occident du christianisme[4],  de la pratique religieuse en général et de la connaissance des textes canoniques expliquent l’absence d’une traduction moderne des images mariales et la fixation de la Madone a une seule acception, l’amour maternel.

Il est somme toute assez bizarre de constater que les images de la Madone et de la Vierge Marie produites par les street artistes sont des copies des images sulpiciennes. Comme si, Marie et l’enfant Jésus étaient des personnes véritables dont l’aspect était figé une fois pour toutes. Cela n’est pas sans évoquer la crise iconoclaste de 1566 et sa traduction actuelle dans certaines religions, comme l’Islam et le protestantisme.


[1] Complexe pour plusieurs raisons : difficulté pour les contemporains de croire que Dieu ait été supplicié sur la croix (la crucifixion était une peine infamante), difficulté à accepter la résurrection).

[2] La mort de la Vierge dont il n’est fait aucune mention dans les Evangiles posait problème ; la mère de Dieu ne pouvait mourir comme tout un chacun. Les Pères de l’Eglise inventèrent la dormition conçue comme l’ascension au ciel de Marie.

[3] Cf Les sanctuaires dédiés à la Vierge, les églises, les fêtes. N’oublions pas que Marie est la patronne de la France.

[4] Rappelons pour mémoire que les protestants refusent le culte marial.


Violant : « Mayday »

Que signifie « comprendre une œuvre » ? Une bien redoutable question qui se pose à tous, les « regardeurs », les badauds, les exégètes, les critiques, les pédagogues et les modestes chroniqueurs dont je suis !

En la matière, il est utile, en introduction, de fixer les limites de la question. L’histoire des idées nous montre à l’évidence que les œuvres sont polysémiques ou pour le moins, admettent moults commentaires.  Certains se recoupent alors que d’autres se contredisent ou ouvrent de nouveaux chantiers de réflexion. Les exemples sont innombrables. Citons à titre d’illustrations la Bible, la Thorah, le Nouveau testament, le Coran, pour s’en tenir aux fondements de trois grandes religions, respectivement le judaïsme, le christianisme et l’islam. Je tiens pour certain le fait que leur compréhension est un objectif mais un objectif dont nous savons pertinemment que nous ne l’atteindrons jamais. Raison pour laquelle l’exégèse et la glose ont un bel avenir !

S’il parait présomptueux de détenir la vérité d’une œuvre, quelle que soit sa nature, il faut bien se garder de penser que le créateur de l’œuvre détient, lui, les clés de sa signification. L’œuvre par bien des côtés dépassent son inventeur. Et cela pour plusieurs raisons : la première est que l’œuvre n’existe qu’à travers le regard du « regardeur ». Un regard mais plutôt l’intelligence que le regardeur a de l’œuvre. Intelligence qui passe par sa subjectivité et sa culture. Le créateur, tel le docteur Frankenstein, est dépassé par sa créature. Prenons le célèbre tableau de Van Gogh, « Champ de blé aux corbeaux ». Les critiques ont vu dans la représentation des corbeaux les signes d’un désir de mort (le peintre mourut quelques jours après avoir peint ce tableau). Il est à parier que l’artiste n’a pas sciemment peint des corbeaux noirs pour figurer sa mort prochaine. L’interprétation, qui est une explication, résulte de la relation chronologique entre la date de création du tableau et de la date de la mort du peintre. Autre exemple, le très célèbre facteur Cheval. Pendant les 33 ans de la construction de son Palais Idéal avait-il conscience qu’il était un artiste ? Les œuvres du passé, celles de notre histoire, ne sont « regardées » ni avec les « yeux » de l’artiste, ni avec les yeux de ses contemporains mais avec nos « yeux » d’aujourd’hui, avec le filtre des valeurs et des concepts que nous avons construits.

Cette observation condamne-t-elle toute tentative d’interprétation ? Il ne serait pas juste d’être aussi catégorique. Je n’ignore pas que la critique d’une œuvre en dit plus sur l’auteur de la critique que sur l’œuvre. Je sais que le commentaire critique est une mise en récit, un récit démonstratif dont le but est de convaincre le lecteur de la pertinence de l’analyse. Récit qui a ses propres règles (cohérence logique, critères de lisibilité, classement des arguments etc.). Nonobstant ces écueils, le regard de l’autre sur une œuvre peut me permettre de mieux voir et de mieux comprendre.

Un commentaire critique est l’expression d’un point de vue sur une œuvre. Si le point de vue du rédacteur de la critique m’importe, un point de vue joue un rôle central dans l’interprétation, celui de l’artiste lui-même. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité rendre compte du point de vue de l’artiste portugais Violant dans le commentaire d’une fresque récente : Mayday.

Violant a l’heureuse habitude d’associer à la publication des photographies de ses fresques un court texte d’accompagnement. Je vous livre son texte.

« Au secours »[1]

Située à proximité d’un parc pour enfants, j’ai choisi de peindre ce « mur » pour sensibiliser au danger d’une catastrophe naturelle soudaine ou d’un éventuel cataclysme qui peut déséquilibrer notre monde, un environnement dont dépend le confort de tout-un-chacun.

 La scène représente un navire marchand coulé gisant dans une rue parmi d’autres débris qui sont comme des témoins de notre civilisation et des symboles de la consommation, une consommation qui a probablement déclenché le chaos.

Il est important que nous comprenions le pouvoir destructeur d’une économie qui exploite les ressources naturelles pour fabriquer des produits.  Ces produits qui ne nous rendent pas plus intelligents !

Je veux dire que nous ne sommes pas capables de saisir quelles répercussions le pillage de la planète aura sur notre avenir.

Pour éviter la catastrophe annoncée, nous devons faire de manière habituelle de petites choses, petites mais importantes pour changer les choses. En même temps, il convient de faire pression sur les grandes entreprises qui polluent.


[1] Traduction R. Tassart.

Le Mur de Violant est constitué de deux murs se coupant à angle droit. Il forme de facto un diptyque. Le mur de gauche est moins long que celui de droite. La photographie de Violant en train de peindre donne l’échelle.  Sa fresque est un paysage sous-marin. Une ville caractéristique du baroque portugais est submergée. Des requins parcourent l’ensemble de la scène. Des végétaux recouvrent des débris hétéroclites d’une ville ruinée. Parmi ces débris, des gravats, un tank, des voitures, un avion, un wagon, un camion, un bateau de pêche. Devant une façade portant encore témoignage de sa splendeur, un paquebot git sur la vase du fond de l’océan. Le navire situé au premier plan représente environ la moitié de la surface peinte : le bateau est le sujet de l’œuvre.

J’ai posé quelques questions à Violant. Je vous livre questions et réponses.

Pourquoi avoir choisi un bateau comme symbole de notre société de consommation, une société qui détruit son environnement et plonge notre monde dans le chaos ?

Ce bateau a pour moi une signification particulière. J’ai essayé de chasser toutes les références que je pouvais pour le représenter. C’est un bateau que j’ai trouvé dans le port d’Aveiro lors d’une promenade avec une ex-petite amie.  J’ai trouvé ça drôle parce qu’il s’appelait « Joana Princesa », le même nom que le sien. J’avais déjà peint une épave de navire pour évoquer une histoire d’amour. Celui-ci a le même objectif, raconter une histoire.

D’autre part, les navires sont de formidables moyens pour transporter les marchandises dans notre monde moderne. Sans eux, il ne serait pas possible d’avoir tout ce que nous pensons avoir, donc de cette façon, il symbolise notre société fondée sur la consommation de masse.

Pourquoi choisissez-vous toujours des allégories pour faire passer un message ? Peut-être que je n’aime pas trop peindre, alors je dois trouver des moyens de faire en sorte que ça soit intéressant pour moi.

Dans d’autres murs vous avez déjà abordé ce thème. Pourquoi l’aborder à nouveau ?

En plus de ma contribution personnelle, les thèmes environnementaux ne vieillissent malheureusement pas. C’est un thème important maintenant et pour l’avenir.

L’œuvre de Violant est donc une allégorie portant sur le réchauffement climatique. Violant met en scène une épave de navire, symbole à la fois de la technologie et de la consommation des biens à l’échelon planétaire, un bateau coulé gisant dans une rue historique du Portugal. La composition de la fresque (les savantes lignes de fuite, les rapports de masse entre les immeubles entre eux et les immeubles et l’épave) témoigne du soin apporté à la réalisation de l’œuvre. Observation corroborée par l’opposition entre les gris des façades baroques et le carmin de la coque du paquebot. Les débris accumulés sur la vase du fond ne sont pas réalistes, difficile d’en définir la nature et certaines proportions sont très manifestement fausses (voitures, tank etc.)

« Mayday, Mayday, Mayday » est un signal de détresse envoyé par un avion ou un navire. Violant lance un appel au secours pour inviter les « regardeurs » à mettre en œuvre des mesures pour limiter le réchauffement de la planète et une inéluctable montée des eaux. La forme de son signal est incontestablement une œuvre d’art. Sur le fond, elle rejoint l’expression de l’urgence climatique de toute une partie de notre jeunesse. On pense à des mouvements citoyens comme Extinction Rébellion, à la médiatique Greta Thunberg, aux soutiens apportés aux partis politiques très engagés dans la transition écologique.


Philippe Hérard : L’homme et l’œuvre (sic).

Je me souviens avoir longtemps disserté sur l’« homme et l’œuvre ». En termes plus savants, les relations complexes qu’entretiennent la personnalité d’un artiste et l’ensemble de sa production. À la réflexion, un demi-siècle plus tard, je pense que toutes les réponses étaient fausses car la question, la problématique disent les pédants, n’a guère de sens.

 Bien évidemment, l’homme, son histoire, sa personnalité, sa psychologie, et l’œuvre ne font qu’un. Si l’homme (ou la femme) est un artiste, alors nous retrouvons dans son œuvre tout de l’homme (ou de la femme, cela va sans dire) : son identité, ses heurts et malheurs, son plaisir, sa souffrance et une vision du monde. J’insisterai sur cette dernière expression. Les linguistes considèrent qu’une langue, ses mots, sa grammaire, expriment une vision du monde par une société donnée, à un moment donné. J’en suis convaincu. De la même manière, une œuvre exprime la vision du monde d’un artiste à un moment donné. Je ne vous ferai pas l’injure de vous rappeler les rapports entre la chute de l’empire napoléonien et le romantisme, ni les rapports entre la première guerre mondiale et le cubisme. L’œuvre est le précipité d’un moment historique et de sa perception par l’artiste.

L’œuvre de Philippe Hérard n’est pas terminée (je lui souhaite longue vie), mais la succession de ses projets artistiques est une illustration de l’imbrication entre le vécu d’un moment historique et une perception du monde comme il va. Les Gugusses[1]m’ont tiré des larmes et des rires car ma grand’mère m’a appris qu’« on ne rit pas des handicapés ». Un rire coupable, car « c’est pas beau de se moquer » dixit, toujours feue ma grand’mère.

Au-delà de la peinture des personnages, j’y ai vu une immense empathie pour ceux qui sont différents, une extrême bienveillance et un souci de l’autre. Et tout cela en opposition aux thuriféraires d’une société du chacun pour soi et du darwinisme social.

Les œuvres du confinement d’Hérard sont de ce point de vue remarquables. Leur somme constitue un journal intime d’une crise sans précédent. Hérard confiné a accompagné mon confinement en partageant mon angoisse et en m’apportant un clin d’œil, un sourire, un éclat de rire. Une ponctuation douce-amère, centrée sur notre vécu commun.


[1] http://www.entreleslignes.be/le-cercle/richard-tassart/philippe-h%C3%A9rard-gugusses-%E2%80%99story

https://streetarts.blog/tag/philippe-herard/

Je conseille à ceux qui écriront demain notre Histoire de garder précieusement les images des confinements. Bien qu’Hérard ne l’ai pas voulu, à son corps défendant dirais-je, elles témoignent à la fois d’un immense traumatisme social et de son expression par un artiste.

Au projet des Gugusses ont succédé d’autres projets. Des projets à la fois différents et semblables. Hérard et ses potes se sont inscrits dans le droit fil des Gugusses. Hérard, le perso, a les traits physiques de Philippe Hérard. Il n’a rien à envier aux Gugusses : la même innocence (à ce propos, ma grand’mère appelait les handicapés mentaux : les innocents), la même ingénuité, la même naïveté. Somme toute, c’est l’histoire d’un mec qui, à force de dessiner des Gugusses, est devenu un Gugusse ! Les potes d’Hérard, ses acolytes, ses complices, sont du même tonneau : le même physique avantageux, une intelligence d’une grande vivacité. Ils sont tout pareils et copains comme cochon. Leur monde est comme le nôtre, mais n’est pas le nôtre. Un monde avec des vaches, beaucoup de vaches, et des objets :  des bouées (on n’est jamais trop prudents), des chaises (c’est quand même bien pratique), un canoë et une pagaie (sans pagaie, on n’avance pas). Nos antihéros vivent des aventures ou plutôt des mésaventures. On pense au burlesque de Laurel et Hardy (surtout Laurel), à Mack Sennett, à Buster Keaton, à Harold Lloyd, à Max Linder, à Charlie Chaplin. On y pense d’autant plus que ces œuvres sont des œuvres sans paroles, comme le cinéma muet.

Il est singulier qu’un artiste, bien inscrit dans son époque, se réfère aux sources du comique à l’écran. Il y emprunte, mais s’y perdre. Les gags sont devenus des saynètes, c’est-à-dire des mises en situation de ses personnages. Les fameux running gags ont été remplacés par la récurrence des accessoires (bouées, chaises, vaches, pagaie etc.). Au rire à gorge déployée du burlesque, il substitue la poésie, la mélancolie, le rire amer.

Hérard est un artiste modeste qui fait son taf pour distraire les gens. Un peu de peinture mais pas trop, des supports pauvres, un ou deux personnages, quelques accessoires, toujours les mêmes. Il trace sa route, seul de son espèce, libre. Modeste, humble, généreux, gentiment anar, donc indispensable.