Vanités, variations.

Et si les œuvres des street artistes illustraient nos peurs ancestrales ?

Les fresques peintes dans la rue par les street artistes empruntent leurs thèmes à la culture dominante et, en cela, sont un reflet, un reflet certes déformé, de nos désirs, de nos rêves, mais également de nos angoisses et de nos peurs.

J’ai abordé ce sujet dans un article[1]explicitement consacré aux images de la mort dans le street art, aux vanités et aux skulls.

Force est de constater que le sujet n’a été qu’effleuré et qu’il convient d’aller plus avant dans la représentation de la mort dans le street art en Occident.

Plusieurs œuvres ont récemment attiré mon attention par leur caractère commun. Elles représentent des personnages qui « tombent » le masque et révèlent ce qui est caché, l’image effrayante d’un crâne humain.


[1] https://www.entreleslignes.be/photos/tetes-de-mort-skulls-et-autres-vanites/

Notons que le motif est une variation sur le très riche thème du masque, un thème d’une telle diversité qu’il me faudra y revenir ultérieurement.

L’idée que le vivant est une image provisoire et temporaire de la mort est, somme toute, une idée d’une grande banalité.

 Elle traverse toutes les philosophies et toutes les religions, qui sont en partie des arts de bien mourir. Les artistes sont des gens comme les autres, ils sont conscients de leur finitude et ont peur de la mort. Leurs cultures personnelles ont une claire incidence sur les images de la mort qu’ils créent. Il suffit pour s’en convaincre de regarder d’un peu près les œuvres des street artistes mexicains contemporains et l’influence des représentations du « dia de los muertos ».

Ajoutons que nombre de street artistes cultivent une esthétique gothique héritière d’une longue tradition artistique. Par ailleurs, d’aucuns n’hésitent pas à franchir les limites du bon goût, compris comme le goût de la classe dominante.

Je vois dans le motif des « deux visages », non pas une méditation sur l’humaine destinée, mais une variation plastique de la classique vanité. Rappelons que les vanités des siècles passées avaient une fonction religieuse. Elles participaient avec d’autres objets au culte privé que rendait le chrétien à la divinité. Leurs images par leur permanence rappelaient aux croyants que leur vie était une vallée de larmes et qu’il leur fallait préparer par des œuvres leur salut, c’est-à-dire, leur vie après la mort.

Le motif des « deux visages » gomme la dimension religieuse et s’en tient à une vérité d’évidence, la mort est présente dans la vie même. Les images créées par les artistes ne sont en aucune manière des œuvres d’inspiration religieuse ; ce ne sont pas des prescriptions, pas davantage des injonctions. Leur lecture est, par ailleurs, polysémique. Certains y verront une invitation à jouir du moment présent ; d’autres un rappel de l’échéance fatale sans plus.

A vrai dire, le succès du motif n’est pas à trouver dans une quelconque dimension édificatrice mais bien plutôt dans ses ressources plastiques. Une image et une seule suffit à représenter une situation qui peut être chargée de sens par le regardeur. Il y mettra en creux soit un énième carpe diem soit une profondeur spirituelle.