Enfants rêvés

Les fresques de street art représentant des enfants sont pléthore et il serait vain d’en faire une analyse exhaustive tant les thèmes abordés et les significations des œuvres sont nombreuses.

Ce billet est en somme une introduction à la thématique des enfants dans le street art, une introduction sous forme de quelques commentaires et de quelques remarques.

Ma première remarque porte sur l’extension du territoire. Quels sont les enfants représentés ?

Le territoire est relativement limité. Grosso modo, pour faire simple, cela va des nouveau-nés aux enfants d’une dizaine d’années. Curieusement, les adolescents n’apparaissent pas en tant que tels dans cette galerie de portraits.

Remarquons tout d’abord la nombre de mères à l’enfant. Des couples femme/enfant et très rarement père/enfant. Ces scènes ne sont pas sans rappeler les madones chrétiennes. Elles sont centrées sur le personnage de la mère et ne sont jamais des portraits ressemblants. Elles sont symboliques de l’Amour. L’amour avec un grand A. Un amour absolu, allant jusqu’au don de soi pour l’autre, « le fruit de vos entrailles ». Un attachement montré comme relevant de l’évidence. Une vérité éternelle.

Tout bien considéré, il est étonnant que les fresques des street artistes contemporains mettent si peu l’accent sur l’enfant. Les Vierges à l’enfant de la chrétienté, au contraire, valorisent l’enfant Jésus. Quitte à exagérer sa taille, à lui conférer les attributs d’un homme en réduction, à souligner par des artifices son caractère divin. Les madones illustrent l’idée Dieu s’est fait homme et Jésus est à la fois l’incarnation du Seigneur et son fils. Marie, la mère de Jésus, illustre un mystère, celui de l’Immaculée conception.

La signification religieuse des madones s’est quelque peu perdue, reste une image dont la signification s’est laïcisée et transformée.

Seth

Le monde de l’enfance donne lieu à de multiples représentations qui ont toutes un point commun : elles scénarisent et mettent en images le « monde merveilleux » de l’âge tendre.

On y voit des enfants farceurs, des enfants qui jouent, qui font des bêtises. Le tout dans un décor bucolique, décalque du paradis terrestre. Des tableaux marqués par une vision irénique de l’enfance. Une enfance fantasmée, imaginée, rêvée. Trop belle pour être vraie. Des images d’Épinal, banales et mièvres.

Plus intéressante, la vision de l’enfance que nous donne à voir Seth. Les enfants peints par l’artiste, le plus souvent, pénètrent dans des univers cachés. Cachés derrière un paysage ou les nuages d’un ciel bleu, derrière un mur. Ces enfants me font penser à Victor Hugo et à l’idée romantique qu’il a développée dans de nombreux ouvrages, idée selon laquelle le poète est un médiateur entre les Hommes et la divinité. Dans le petit monde de Seth, les enfants guident les Grands vers un ailleurs d’avant la Chute.

Les images romantiques de Seth, d’une certaine manière, s’opposent aux portraits des enfants de RNST. Des enfants véritables Gavroche de notre époque pleine de bruit et de fureur. Ils sont masqués et hurlent leur insoumission et leur révolte. Ce qu’ils nous donnent à voir est leur volonté de renverser le vieux monde pour construire un monde nouveau. Le romantisme révolutionnaire a remplacé « le vert paradis des amours enfantines » chères à Baudelaire.

La conclusion provisoire de ces remarques est que les enfants dans le street art (et plus généralement dans l’art) sont les porte-parole, plus ou moins masqués, des histoires des Grands. Les représentations de l’enfance aujourd’hui dans l’art urbain s’inscrivent dans une longue, très longue histoire. Une histoire qui nous offre des clés de compréhension de l’histoire de la famille et des mentalités.