Les œuvres de street art ayant des sujets religieux sont par rapport à la production occidentale globale marginales. Elles ont ceci de remarquable qu’elles sont toutes chrétiennes et exécutées dans des pays conservant une intense pratique religieuse catholique, l’Italie et particulièrement la Sicile, les pays d’Amérique du sud. Elles abordent principalement quatre thèmes : celui de la Madone, celui des saints protecteurs, celui des anges et celui du Christ.
Les trois premiers sont des thèmes traditionnels. Par contre, depuis quelques années, les artistes peignent de plus en plus souvent des portraits de Jésus.


Ces portraits ont ceci de commun qu’ils illustrent la Passion du Christ. Il est représenté sous la forme d’un homme jeune et beau, portant la barbe, habillé d’un manteau de couleur éclatante (écarlate selon Matthieu, pourpre selon Marc et Jean), affublé par les soldats romains pour se moquer du « roi des Juifs » d’une couronne d’épines et tenant à la main un roseau comme sceptre. Pendant la crucifixion, Jean précise qu’il était revêtu d’une tunique « sans couture, tissée d’un seul morceau ». Jésus, comme c’était la coutume romaine, fut crucifié nu ou presque nu pour humilier davantage le condamné.



Les street artistes ont changé la focale des peintures d’église. Ils ont centré leurs fresques sur le visage du Christ ceint de la couronne d’épines. C’est alors l’expression du visage qui doit rendre compte de la souffrance du Christ. Ils rompent de cette manière avec les images des crucifix et la représentation du Golgotha, Jésus sur la croix entouré des deux larrons.

Le visage du Christ endurant le martyre met l’accent sur la nature humaine de Jésus et sa souffrance. Un tel point de vue mérite qu’on s’y arrête.

Nous pourrions avancer une première explication de nature religieuse.
Les artistes en peignant les traits du visage de Jésus déformés par la souffrance du supplice et les épines blessant le front et la tête du Christ, en représentant le sang coulant des blessures, les artistes traduisent la douleur du martyre. Plus la souffrance est grande, plus le don de Jésus pour sauver les Hommes est grand.

Le changement de focale sur la douleur endurée par le fils de Dieu est celle d’un homme torturé qui agonise sur la croix infamante du supplice. C’est assurément une manière, au sens littéral, d’humaniser Jésus et ainsi de le rendre plus proche de nous. Le spectacle de sa souffrance est celle d’un homme et non celle d’un dieu.
Les fresques jouent un rôle comparable aux vanités. Elles agissent comme des signes tangibles de la souffrance de Dieu fait homme pour nous ouvrir les portes du Royaume.
Les street artistes s’inscrivent dans le droit fil d’une tradition de la peinture religieuse mais, en variant la focale, à la manière des photographes, illustrent la souffrance de l’homme-dieu.
Enfin et, peut-être surtout, l’affichage d’une spiritualité renouvelée est une réaction de réassurance des Hommes confrontés au chaos du monde.
