J’ai à plusieurs reprises porté mon attention sur les symboles chrétiens repris par les street artistes en Occident dans leurs œuvres.
Deux figures de l’iconographie religieuse m’ont passionné : la figure de l’ange et celle de la Vierge Marie. L’ange est sur les murs de nos villes devenu un charmant bambin rondouillard et ses ailes ont été « récupérés » par les artistes pour rendre compte du statut particulier d’un personnage. Ailé le personnage acquiert un statut remarquable qui le distingue de ses frères humains. Les ailes marquent une autre différence d’avec le commun des mortels, le personnage quitte le monde pour accéder au paradis.


Il en est tout autrement de Marie. Sa figure dominante est celle de la madone. Elle est devenue, non pas la sainte qui intercède entre les Hommes et son fils Jésus, mais la mère qui aime son fils et le protège. La madone est le modèle de toutes les mères à l’enfant.
Comme on le voit les figures chrétiennes, authentiques icônes, dans le street art, ont changé de signification, s’éloignant de la lettre et des significations des Évangiles.



Images pieuses devenues icônes mondialisées, comme d’autres icônes, elles ont été détournées, moquées, ridiculisées par nombre d’artistes. Le phénomène est d’une telle banalité qu’il ne me semble pas nécessaire d’aller plus avant dans le commentaire.
Ce qui m’intéresse bien davantage est la représentation « sérieuse » des figures marquantes du christianisme. Ces figures sont bien peu nombreuses. D’abord et toujours la Vierge Marie et Jésus.



Remarquons que les fresques qui représentent Marie et Jésus sont peintes dans les pays profondément marqués par le catholicisme et qui ont gardé une forte pratique religieuse (Italie-en particulier la Sicile-l ‘Espagne, le Portugal, les pays d’Amérique latine etc.)
La représentation de la Vierge Marie est traditionnelle en ce sens que les œuvres peintes reproduisent les statues canoniques qui ornent les églises. C’est une figure tutélaire non pas d’intercession mais de protection. Les œuvres se centrent sur le regard : la Vierge « regarde » le badaud, établissant ainsi un lien entre le croyant et la divinité. Son regard est d’une grande douceur exprimant une profonde empathie. Souvent, les mains jointes figurent la prière.
Le personnage de Marie renvoie explicitement au culte et à la tradition. Elle symbolise l’étroite relation entre le croyant et la divinité. Elle accueille toutes les douleurs, protège et console.


Jésus n’est jamais représenté en christ pantocrator, assis un trône et tenant le Livre des Saintes écritures dans la main gauche et la main droite levée en signe de bénédiction. Ce n’est pas un christ souverain dans sa gloire. Les street artistes privilégient sa passion, sa tête couronnée d’épines, son corps nu martyrisé. Un corps torturé, un visage douloureux.
Comment ne pas voir dans le traitement des figures de la Vierge Marie et de Jésus par les street artistes une évidente opposition entre la Vierge de Miséricorde et le martyr de Jésus.



Les street artistes sont restés fidèles aux représentations saint-sulpiciennes désormais traditionnelles mettant en avant des traits forts des figures symboliques de la tradition en occultant d’autres. Ils en changent ainsi la signification. Le message s’est décanté en proposant une lecture simplifiée des grandes figures religieuses.
Voilà peu les figures chrétiennes étaient encore bien présentes dans l’espace public. Calvaires, croix, statues, crucifix etc. consacraient un territoire comme une terre chrétienne. Ces œuvres symboliques pour maintes raisons disparaissent de l’espace urbain. Sans les remplacer pour autant, les œuvres des street artists sont intimement personnelles et elles sont une expression de leur foi, et, dans le même temps, participent de l’identité d’un territoire.
