Le cœur, une icône mondialisée

Le cœur est sans conteste une icône désormais mondialisée.

Les publications sur les réseaux sociaux le jour de la Saint Valentin illustrent s’il en était besoin l’extension du symbole de l’amour. Les reproductions de cœurs sont partout : peintes sur les murs par les street artistes, imprimées sur tous les supports possibles et imaginables, tissées sur une foultitude de vêtements etc.

A ce titre, le cœur mérite quelques commentaires.

 Il ne vous a pas échappé, fidèle lecteur(trice) que j’ai récemment consacré deux chroniques à la représentation du cœur. Il s’avère à la relecture de ces billets que j’ai négligé deux questionnements qui sont pourtant cruciaux dans la compréhension de ce qu’il convient d’appeler un phénomène : comment expliquer la genèse de la forme du cœur et comment cette représentation d’un organe est devenue le symbole de l’amour.

Les peintures médiévales illustrant l’amour courtois donnent des clés de lecture. Les peintres représentent une jeune fille ou un jeune homme donnant son « cœur » à l’être aimé. Ce cœur est un objet dont il est fait don : c’est une offrande.

Cet objet ne ressemble pas à notre organe anatomique dont la forme était pourtant connue depuis la plus haute antiquité. L’objet représente une feuille de lierre.

 Sa forme ressemble à celle de notre organe mais ce qui est mis en avant dans le choix de ce végétal est sa signification symbolique.

 Chez les Grecs de l’antiquité, le lierre est une plante sacrée associée au dieu Dionysos. Plante semper virens, elle symbolise la fidélité et l’amitié. Au moyen-âge, la feuille de lierre hérite de ses caractères antiques et acquiert celui de l’amour. Les illustrations médiévales sont symboliques : l’offrande de la feuille de lierre est le don du « cœur ». Reste à savoir pourquoi le cœur a été identifié comme le siège du sentiment amoureux.

Nous savons que dans l’Égypte antique, le cœur avait une fonction centrale : il était considéré comme un organe vital et le siège de l’âme. Dans l’Ancien Testament, le cœur est le centre des pensées.

En rupture avec ces traditions, les Romains situent le sentiment de l’amour dans le « cor » ou « pectus », c’est-à-dire, la poitrine. C’est Saint-Augustin qui va fusionner l’héritage biblique et antique.

Le dessin de la feuille de lierre sous l’influence du dessin du cœur organique dès la fin du XIVe siècle est stylisé et sa forme se diffuse dans l’Europe chrétienne. Sa forme alors s’intègre dans l’esthétique dominante, celle du gothique flamboyant.

La forme de notre cœur moderne fixée à la toute fin du moyen-âge se diffuse dans tous les ordres de la société. La schématisation du cœur et l’extrême simplicité de son dessin n’expliquent qu’en partie sa popularité.

D’aucuns voient dans la forme du cœur deux lobes réunis jusqu’à ne former qu’un seul objet. La forme de l’objet devient le symbole de l’union de deux êtres.

Le cœur dont le dessin est vulgarisé par l’imprimerie sous forme d’estampes et de gravures sur bois connait un remarquable succès sous forme de « produits dérivés », achetés aussi bien par les amoureux voulant témoigner de leur passion que les religieux.

J’aime l’idée que le cœur, icône mondialisée, ait une histoire. Une histoire de la lente élaboration de sa forme pourtant si simple. Une histoire de sa signification qui croise les mythologies antiques et l’histoire médiévale. Une histoire qui fait la synthèse entre le sacré et le profane.