La signification du pochoir peint par Banksy en 2002 sur le pont de Waterloo à South Bank était limpide. D’autant plus limpide que Banksy avait légendé son pochoir d’un lettrage qui réduisait le champ des possibles : « There is always hope ». Une petite fille, le bras levé, tentait de se saisir de la ficelle d’un ballon en forme de cœur. Une scène allégorique figurant la recherche de l’amour. L’image devint rapidement une icône.
Dès mars 2015, Banksy dans le cadre d’une campagne de soutien aux enfants syriens, voile la petite fille afin d’illustrer une réfugiée syrienne.
L’artiste, en fait, détourne son œuvre originale pour apporter son soutien à une cause humanitaire.




Des artistes de street art et plus récemment des créateurs d’images générées par l’intelligence artificielle ont à leur tour détourné La Petite Fille ad nauseam.
Leurs déclinaisons de l’icône s’appuient sur un triptyque : la représentation de la petite fille, le ballon et la forme de celui-ci un cœur. Les messages portés par la petite fille sont de nature fort diverse. Nous pouvons les classer sommairement en trois catégories : dans le prolongement du détournement de la petite réfugiée syrienne, une condamnation de la guerre et des appels à la solidarité et à la liberté ; un message d’amour universel du type « Aimez vous les uns les autres », en rupture avec le message original, une invite à l’écologie.




Les variantes incluant le cœur ne brillent pas par leur originalité. La petite fille répare les amours défuntes et étreint des cœurs « gros comme ça ». Plus intéressante, la représentation de deux enfants qui réunissent dans un vœu un monde divisé.
Le thème du refus de la guerre est développé par des images somme toute convenues : deux enfants prônant l’amour juchés sur un tas d’armes encore fumantes, l’association des couleurs de l’arc en ciel et la représentation de la colombe de la paix, un pochoir au graphisme simple et fort, une petite fille étreignant une bombe recouverte d’un « No » en lettres capitales. Dans le droit fil du pochoir de Banksy, une petite fille effondrée sous le poids du chagrin laissant s’envoler un ballon rouge dans une atmosphère crépusculaire.




Sur le modèle de la fresque d’origine, deux lettrages invitent le regardeur à la liberté et à la solidarité. Le rôle des médias est représenté par deux images évocatrices : la petite fille de Banksy sous le feu des objectifs et le doigt d’honneur de la petite fille à une caméra de surveillance.
La défense de l’écologie est représentée, « classiquement » dirais je, par deux scènes : une scène d’arrosage d’une plante et une scène associant la petite fille à des abeilles.



Les images iconiques appartiennent à un patrimoine culturel partagé par une communauté. Leur détournement est une variation sur leur forme et leur message, sur la forme et sur le fond. Le détournement est le plus souvent un jeu de l’esprit : un jeu fondé sur une comparaison implicite entre l’icône et son image détournée. Reste quelques belles réussites qui nous amusent, nous émeuvent ou suscitent la réflexion voire l’engagement.

