Monsieur,
Des amis nantais m’ont fait parvenir pour avis des photographies de votre intervention récente sur la grande fresque Black Lines. Comme vous avez eu la délicatesse de signer votre participation à l’événement artistique et que fâcheusement vous avez oublié d’indiquer vos coordonnées, je suis contraint de vous envoyer une lettre ouverte.
Je souhaite tout d’abord, notre mémoire est tellement oublieuse, publier les images de votre active apport à cette fresque revendicative.



Un trait rouge peint à la bombe aérosol a été utilisé pour écrire et pour dessiner des symboles. L’écriture cursive étonne ; le lettrage n’a que peu de rapport plastique avec l’art de la calligraphie. Une seule couleur, rouge, dont on saisit d’emblée la symbolique, domine l’ensemble. Mon hypothèse est que ne possédant qu’une seule bombe aérosol que vous transportez dans un bagage, agissant nuitamment, la précipitation explique le peu de recherche apportée à votre œuvre. Il est regrettable que vous n’ayez pas eu la possibilité de participer avec les autres artistes à l’événement qui s’est déroulé le 11 et 12 janvier. Vous l’avez loupé de peu, votre intervention nocturne suivant de près la manifestation artistique et festive organisée par le collectif Black Lines et Nantes révoltée.
En tant que spécialiste de l’art contemporain urbain, je commenterai d’abord la forme avant de présenter quelques remarques sur le fond.
Venons-en à votre message qui est au cœur de votre intervention. N’ayant guère l’ensemble des référents, je suis dans une relative impossibilité de donner sens à votre œuvre. Pour ce que j’ai pu en voir vous écrivez « Mahomet tue », et dessinez à plusieurs reprises trois symboles qui méritent un court commentaire. Ce sont la Croix gammée, la Croix celtique et une rune tirée de la culture Viking. Votre allusion à la religion musulmane est explicite et bien qu’absurde, fausse. Vous confondez islam et islamisme politique ; il eut fallu vérifier le sens des mots avant de les écrire dans un espace public. Le swastika, comme vous le savez, est une référence à l’Allemagne nazie. La Croix celtique est revendiquée par les groupuscules d’extrême-droite, ceux-là même qui veulent sauver l’Occident. Quant à la rune d’Odon, elle était portée par les Jeunesses hitlériennes et plusieurs divisions SS.
L’ensemble laisse penser que vous revendiquez votre intervention au nom de groupes d’extrême-droite, suprématistes blancs, racistes. L’accumulation des signes est telle qu’il est difficile de ne pas croire à une mauvaise farce. J’espère que tout ceux qui découvriront votre participation au Black Lines saisiront le deuxième degré et votre humour. De plus, « toyant » les œuvres, les vandalisant, de mauvais esprits pourraient penser que vous apportez votre soutien aux violences de la police et au gouvernement dont elle est le bras armé.
Les 10 artistes qui ont répondu à l’appel des organisateurs ont peint des œuvres de qualité avec un évident souci de très bien faire. Leurs œuvres témoignent de valeurs morales et de choix politiques. Un superbe lettrage appelle à la paix et à la concorde tandis que les autres fresques condamnent les violences policières dont la réalité est attestée par l’exécutif lui-même, la justice, l’ensemble des médias français et étrangers. Toutes les œuvres que je vous invite à mieux examiner promeuvent une profonde évolution politique pour que s’imposent enfin le respect, la tolérance, la lutte contre les inégalités sociales.
Pour votre information personnelle, sachant que la nuit, pressé par l’urgence, seul avec une bombe à la main, il est difficile de bien saisir le message fort des œuvres, je joins à ma lettre quelques photographies.
Bien à vous,



